Depuis lundi 14 septembre 2020, environ 45% de la ville de Bunia se trouve privée d’eau par la volonté des miliciens « Chini ya kilima ». Un véritable désastre pour les habitants des quartiers Nord (Mudzi Pela, Kasegwa, Bigo), Centre (Ngezi- DC6) et Ouest (Bankoko), soit, 70 000 foyers et surtout 24 435 déplacés de la crise de Djugu qui campent sur les 2 sites (ISP et Kigonze) gérés par Caritas Bunia avec l’appui de UNHCR.
Du coup, les forages artisanaux sont pris d’assaut par les ménagères et les enfants en quête d’eau potable. On voit des colonnes des femmes et des enfants se traîner avec des bidons jaunes sur la tête ou sur le dos. Les femmes enceintes et les malades n’en peuvent plus et s’en remettent à la générosité des acteurs humanitaires présents à Bunia.
Signalons que ce réseau construit dans les années 80 utilise comme force motrice la gravité naturelle pour propulser l’eau. Les eaux de plusieurs sources situées en hauteur au Nord -Ouest de la ville dans le village Ngongo sont captées et drainées dans un réservoir d’où celles-ci descendent vers la ville pour alimenter les quartiers sus-cités.
D’un coût négligeable, l’eau du réseau Ngongo représente une véritable bouffée d’oxygène pour la REGIDESO dont les capacités installées sont dépassées depuis les années 70. De potabilité attestée, l’eau Ngongo alimente entre autres l’orphelinat Saint Kizito des Sœurs de Charité maternelle, le Centre hospitalier de Mudzi Maria, le Grand Séminaire, plusieurs établissements scolaires dont le collège Saint Joseph de Bunia- la plus grande école de la ville, l’hôpital Général de Référence de Bunia qui abrite également l’Unité de l’INRB depuis la dernière épidémie d’Ebola, la prison centrale de Bunia ainsi que l’abattoir public de la ville. Évalué à l’échelle démographique cette avarie affecte plus de 70% des habitants de la ville dès que la ville de Bunia compte 558 573 habitants. En prenant une moyenne de 5 personnes par ménage, le nombre total des personnes affectées s’élève à environ 370 000 personnes soit 66% des habitants de la ville.
Mais que veulent les miliciens ?
Depuis bientôt une année, une nouvelle milice se réclamant de la tribu Bira et dénommée, « Chini ya Kilima » (FPIC : Forces Patriotiques et Intégrationnistes du Congo), a fait son apparition dans la région, plus précisément dans le Territoire d’Irumu situé au Sud de la Province. Utilisant les mêmes méthodes d’harcèlement des forces de l’ordre et de la population civile que la milice CODECO des lendus, les éléments de « Chini ya Kilima » s’attaquent avec prédilection aux forces de l’ordre et à la population civile. Ils tuent, pillent, volent, incendies des villages. Ils sont friands de gros bétail dont les Hemas sont de grands éleveurs. Aucune revendication politique n’est encore formulée par ce groupe.
Des techniciens de Caritas Bunia qui se sont rendus sur les lieux pour évaluer les dégâts causés et tenter de les réparer, les miliciens ont exigé une somme de 5000 dollars pour les laisser travailler tandis que leurs propos laissaient voir clairement que la destruction déplorée était bien leur œuvre.
Un risque pour la propagation de COVID 19 et la résurgence d’Ebola
La pénurie d’eau dans la ville de Bunia est particulièrement préoccupante et malvenue en ce moment où sévit la Pandémie de COVID 19 dont une des stratégies de prévention est le lavage fréquent des mains. Avec cette interruption de la fourniture d’eau les dispositifs de lavage installés dans les quartiers affectés sont à sec. Un autre risque est celui d’Ebola. Bien que la fin de cette épidémie ait été déclarée, le risque d’une résurgence n’est pas exclu comme on le voit aujourd’hui dans la Province de l’Equateur. Ce n’est donc pas le moment de manquer de l’eau.
Réponse de l’autorité provinciale et des acteurs humanitaires présents en Ituri
Les autorités de la Province aussitôt saisies de la situation promettent d’envoyer une escorte militaire pour sécuriser les équipes que Caritas Bunia prévoit envoyer ce vendredi 18 septembre pour tenter de résoudre la situation.
Entre temps, les acteurs humanitaires essaient de fournir de l’eau par le système des bladders et le tracking water afin de permettre aux déplacés qui ne peuvent pas effectuer de longs trajets de se procurer au moins de 20 litres d’eau par jour.
Il faut dire que la ville de Bunia fait l’objet des menaces de plus en plus fréquentes de la part des miliciens. A partir du Nord et de l’Est de la ville, on redoute l’entrée des miliciens CODECO tandis que le Sud et l’Ouest sont des couloirs de passages possibles des « Chini ya Kilima » parfois associés aux miliciens CODECO. C’est ainsi que le lundi 14, en milieu d’après-midi des rumeurs persistantes se sont emparées du quartier Mudzi Pela faisant état de l’entrée imminente des miliciens CODECO dans la ville à partir de l’Ouest. Etant donné que le vendredi 4 septembre les mêmes miliciens s’étaient déjà offert une promenade de santé à travers la ville avec des armes à feu et des armes blanches, ces rumeurs ont été prises au sérieux par les habitants de ces quartiers dont la plupart ont vidé leurs domiciles pour aller passer la nuit ailleurs.
Réponse de Caritas Développement Bunia et attente vis-à-vis de la communauté humanitaire
Caritas Bunia s’en remet aux autorités provinciales et à la MONUSCO pour non seulement l’aider à rétablir la situation mais aussi pour sécuriser durablement le site contre les miliciens et autres personnes malveillantes.
Tous les dégâts causés n’étant pas encore évalués, la Communauté humanitaires devrait s’attendre à une demande des contributions, Caritas Bunia n’ayant des capacités pour défrayer le coût de réparation qui pourra s’élever à quelques milliers de dollars si on prend l’hypothèse la plus optimiste.